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1 février 2013 5 01 /02 /février /2013 22:29

Un peu plus de 20 ans au Parti socialiste français. La politique franco-africaine et le fonctionnement de certaines institutions internationales n’ont plus de secret pour lui. Lambert Dépié Jr croque ici sans faux-fuyant l’actualité politique ivoirienne. Interview !


Vous avez milité pendant longtemps au parti socialiste français. Parlez-nous-en !


Faire de la politique pour moi est une question d’hérédité puisque mon père fait partie de ceux qu’on appelle les pères fondateurs du Pdci-Rda. Il a même été décoré par le Président Felix Houphouët- Boigny à Daloa. Je crois que c’était en 1982. Etant le fils du Père et étudiant en France en 1981, j’ai adhéré au Ps français. Le président de notre comité du (9, 10,11) arrondissement de Paris était le Député-maire du 11 arrondissement Monsieur Georges Sarre. Donc quand on parle de la génération Mitterrand en France, j’en fais partie.


En 2010, vous avez regagné la Côte d’Ivoire, avant de retourner précipitamment en France. Que s’est-il passé ?


Vous savez, je vivais à Toronto, au Canada, quand la guerre a démarré en Côte d’ivoire. A cause du décalage horaire, nous étions en retard des rares informations qui nous parvenaient puisque quand il est lundi à Abidjan, il est encore dimanche au Canada. Beaucoup d’Ivoiriens ne supportaient pas ce fait à commencer par moi. J’ai donc quitté le Canada pour Londres, Paris par la suite pour participer à toutes les marches de protestations qui avaient lieu avant de quitter Paris à la fin de Kléber pour Abidjan. Le 9 août 2003, j’ai atterri dans mon pays, encore en guerre, après avoir abandonné boulot, femme et enfants à Paris. Ceci pour partager ma modeste culture politique avec mes frères et sœurs patriotes. Mais cela n’a pas été facile parce que j’avais en face de moi des gens qui se disaient inspirés par Dieu dans leur prise de décisions. Donc ils n’avaient point besoin de notre contribution loin de cette logique évangélique. Le résultat est connu, les décisions précipitées, désordonnées donc inefficaces de dernière minute nous ont fait perdre le pouvoir. C’est-à-dire la décentralisation, la démocratie, la liberté, les grands travaux. En somme, l’arrêt net du développement de notre pays pour l’exil, la prison, la mort anticipée à l’intérieur comme à l’extérieur de notre Côte d’Ivoire.


La chute de Laurent Gbagbo vous a-t-elle surpris ?


Pas du tout, alors là pas du tout. Je ne saurai par où commencer tellement il y a à dire sur cette question. Il faut savoir que Le Président Gbagbo n’a rien de comparable dans le domaine de l’économie. Personne ne peut lui faire des reproches de ce côté. Et cela, depuis Houphouët à ce jour. Son esprit patriotique oblige. Pour la liberté, la tranquillité d’esprit, la convivialité, le plaisir qu’il y avait de vivre dans ce pays malgré les dettes remboursées au trop, le territoire coupé en deux, les salaires payés, les concours organisés, les agriculteurs au sommet etc., la Côte d’Ivoire de l’époque Gbagbo n’était pas un paradis mais on y vivait mieux qu’aujourd’hui et cela, sans aucun doute.


Mais comme une médaille a toujours son revers, Gbagbo était trop tolérant là où il fallait prendre ou anticiper dans la prise de décisions fermes. Aucun accord militaire, même pas avec un pays émergent lui tendant la main pour sécuriser sa politique ou mettre hors d’état de nuire notre petite rébellion. Il a fait le choix de tendre la main à des gens en mission de déstabilisation de notre pays et encore ne faisant même pas un effort de dissimuler ce fait. Il a donc hébergé, nourrit, il a fait donné l’eau, le téléphone, l’électricité, le logement, la santé, les salaires, les grades, l’amnistie, des postes de gouvernement, la libre circulation des personnes et marchandises du Nord rebelle au Sud. Vraiment, la liste est longue. Le tout gratuitement sans espérance immédiat d’un retour positif. Mais il y croyait. Enfin de compte il a «gâté» une rébellion en l’accompagnant ainsi à atteindre son objectif sans grand effort. La méchanceté est au pouvoir, la gentillesse et la tolérance abusive à la Haye.


Pourquoi, selon vous, l’ex-Président français Nicolas Sarkozy a fait du contentieux électoral ivoirien, une affaire personnelle ?


Mais enfin, je crois qu’il est maintenant temps que les Ivoiriens comprennent le comportement de la politique planétaire pour comprendre ce qui leur arrive. A la chute du mur de Berlin, les Occidentaux nous disaient qu’il y aurait maintenant la paix dans le monde parce que le communisme qui sévissait n’existait plus. Faux. Les amitiés se comptent encore aujourd’hui contre le mur invisible de Berlin et contre les Asiatiques qui ont totalement échappé à leur contrôle et leur donnent des ordres aujourd’hui. Y compris les Sud-Américains devenant au galop des pays émergents. Il ne reste plus que l’Afrique. Sarkozy était pleinement dans cette logique-là de réoccuper le seul continent encore vulnérable et riche de surcroit, en installant par ses coups de force contre la volonté populaire les hommes de l’Occident. Il n’est donc pas condamnable.


Vous ne partagiez pas la politique de Laurent Gbagbo à l’égard de la France. Deux ans après sa chute, votre opinion a-t-elle varié ?


Parce que Gbagbo est le seul historien politique dont je n’arrivais pas à suivre les prises de décisions vis-à-vis de la France et même des Occidentaux comme s’il ignorait leur ambition sur le continent africain. La Côte d’Ivoire est une fierté de la colonisation française qui doit perpétuer sous sa domination donnant ainsi exemple aux autres ex-colonies de faire attention de ce qui pourrait leur arriver si sa volonté ne s’exerçait pas pleinement chez eux. Cela est tellement élémentaire de nos jours que ça ne peut échapper à personne. Après deux ans, cette opinion n’a pas varié. Bien évidemment. Puisque tout le monde connait la suite. Gbagbo est par la volonté de Sarkozy à la Haye.


Le pouvoir Ouattara selon des Ong est peu respectueux des Droits de l’Homme, surtout des droits des partisans de l’ancien régime. Comment expliquez-vous le silence des puissances telles que les Usa, la France, alors que ces pays ne rataient aucune occasion pour clouer le pouvoir de Gbagbo au pilori ?


Ouattara est l’homme politique idéal comme les préfèrent les Occidentaux. L’esprit patriotique n’est pas la chose qu’il affectionne. Il n’est pas en phase avec le peuple. Il est seulement «signataire» d’un contrat qui fait de lui le Président de la Côte d’Ivoire et en retour faire don de la Côte d’Ivoire aux Occidentaux. Tant qu’il respectera ce contrat à la lettre, il peut se permettre de brimer à volonté les Ivoiriens sans aucune inquiétude. Quand je lis et entend les Ivoiriens dire que ce monsieur et ses amis doivent être jugés par la Cpi, j’en ris à pleurer. Rien, absolument rien, ne leur arrivera de nos souhaits qui ne puissent être approuvés par ceux-là mêmes qui les ont placés et les accompagnent dans leur mission. Donc désespérez chers frères et sœurs, Ouattara et ses cerbères sont à la disposition de la communauté dite internationale comme l’est la Cpi. Les alliés sont solidaires et ne se sanctionnent pas, sauf autorisation.


Donc pour vous, ce sont les intérêts géostratégies qui poussent ces pays à faire le myope…


Comme je l’ai dit plus haut, les Occidentaux sont à la conquête et reconquête de terres. C’est une course contre la montre où on ne se fait pas de cadeaux. Il y a surtout cette présence arrogante des pays émergents qui les préoccupe en premier plan. Donc si un individu vient dans ce combat sans merci vous faire une proposition de vente ou de don de son pays, vous avez gagné du temps.


Enfin, essayez un instant d’être à leur place et vous comprendrez mieux. Comment pouvez-vous faire une offre de don de votre pays à un chef d’Etat occidental et penser que ce dernier va le refuser ? Sarkozy comme François Hollande et comme moi-même qui vous parle, j’embrasserai cette proposition et ferai de son promoteur mon meilleur allié. Si Ouattara dit qu’il est indéboulonnable, en voilà une raison.


Le Fpi, parti dont Laurent Gbagbo est fondateur, a récemment effectué une tournée en Europe. Est-ce que ce périple a fait bouger les lignes dans le regard que l’Europe porte sur l’ancien Président ivoirien incarcéré à la Haye?


L’Europe, l’Amérique et le reste de la planète sont bien informés de ce qui se passe en Côte d’ivoire. Ne les prenez donc pas pour des imbéciles ou des ignorants. Le Fpi est venu prendre confirmation de la volonté de la France de ne rien céder sur leur homme au pouvoir en Côte d’Ivoire. Il lui est même conseillé de coopérer s’il veut obtenir quelques cadeaux comme à la veille de Noël et du nouvel an avec la libération de huit prisonniers politiques et d’autres pour la suite si les choses continuent dans le bon sens. Le Fpi- Miaka est aussi convaincu depuis ce séjour en Europe de la non libération prochaine du Président Gbagbo ; donc à chacun sa politique et sa promotion sans le souci du peuple qui ignore ce fait.


Pourtant, dans tous les pays du monde, si je ne me trompe, existent des partis politiques avec pour devoir d’arriver au pouvoir d’Etat en comptant sur le peuple souverain. Les partis le sachant, font appel à l’électorat national c’est-à-dire à ceux-là en dehors de leurs militants pour gagner des élections. Si les choses sont ainsi, cela signifie que les partis politiques de façon permanente restent à l’écoute du peuple dans son bonheur, dans son malheur afin d’être en phase avec lui, en apportant des solutions justes à leurs préoccupations, au pouvoir comme dans l’opposition. Ce principe est donc élémentaire en démocratie. Si le Fpi-Miaka ne voit pas tous les malheurs qui frappent le peuple ivoirien et qui ne sait plus de surcroit sur qui compter, c’est que le Fpi-Miaka ne compte plus sur le peuple ivoirien pour arriver un jour au pouvoir. Dans ce cas, qu’il ne nous demande pas de l’accompagner dans sa politique de collaboration avec un régime que les Ivoiriens traitent de dictatorial.


Les charges retenues contre Laurent Gbagbo seront confirmées ou infirmées le 19 février prochain. Pourra-t-il s’en sortir ? Quelle est aujourd’hui la position du parti socialiste français sur le cas Gbagbo ?


S’il peut s’en sortir ? Je ne le crois pas sauf s’il capitule et signe. Parce que la Cpi n’aura pas le culot de faire parler la justice sans demander l’avis favorable de ses créateurs et financiers. Le parti socialiste est au pouvoir depuis mai 2012, qu’avez-vous constaté ? Rien. Et pourquoi voulez-vous qu’il ait une pensée pour quelqu’un qui ne représente plus la Côte d’Ivoire ? Il y a l’homme qui leur fallait, installé au pouvoir d’Abidjan et travaillant bien pour eux. Non seulement en Côte d’ivoire mais aussi dans la sous-région (Cedeao ). Alors ne regardez pas de ce côté-là, mais plutôt vers la volonté populaire ivoirienne, la seule chose que ne maitrise pas la communauté dite internationale.


L’arrestation suivie de l’extradition de Charles Blé Goudé a provoqué une vive polémique. Ange ou démon ? Judas ou Jésus ? Quelle est votre avis ?


Blé Goudé en Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo était un Ange qu’on ne voyait pas, qu’on ne touchait pas non plus. Il était si proche et loin à la fois qu’on ne pouvait lui faire une suggestion. A sa tête, il décidait en solo et l’imposait au reste du groupe. C’est un caractère à lui qui a certainement des avantages. De son exil, il avait plutôt plus de contacts avec les gens du pouvoir qu’avec les patriotes ; il n’était pas non plus membre d’aucune association des exilés. Blé est dans les conséquences de son manque de concertation.


Quelles sont pour vous les conditions d’une réconciliation en Côte d’Ivoire ?


Un décret présidentiel. Mais il ne le fera pas. Même moi à sa place je ne le ferais pas non plus. Comme je l’ai dit plus haut, il se complait dans la terreur. A ce prix, il continuera d’être le président de la Côte d’Ivoire.


L’intervention française au Mali était-elle nécessaire ?


Il y a une chose qu’il faut savoir et en même graver définitivement dans nos têtes d’Africains. Puisqu’après plusieurs siècles d’esclavage, de colonisation et de la Françafrique, la même chose se répète sur notre continent comme si nous aimions la domination. Toutes les rébellions et guerres chez nous sont indépendantes de nous. En clair, elles ont été germées, encadrées et chassées par la suite une fois leur objectif non partagé atteint. Pour nous aider, accompagner, ils s’installent à vie dans nos pays avec leur armée, avec une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Passez en revue l’histoire de la France et de certains pays d’Europe. Ils ont tous fait des guerres d’indépendances et connu aussi des révolutions meurtrières pour leur liberté.


Interview réalisée via le Net par Tché Bi Tché

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