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18 avril 2011 1 18 /04 /avril /2011 20:35

DUEKOUE (Côte d`Ivoire),"Ils sont arrivés, armés de fusils de chasse. Ils ont fait sortir les femmes et réuni les hommes, dont mon papa. Ils ont tué tout le monde pendant que j`étais caché là", raconte Lopez Glarou, parmi les décombres d`un quartier de Duékoué, dans l`Ouest ivoirien. Cet électricien de 31 ans s`était caché dans une petite pièce attenante à une boutique.

 

 L`obscurité et une couverture qui le dissimulait ont fait qu`il n`a pas connu le même sort que son père, qui était le directeur de l`école. C`est dans cette région instable qu`a démarré fin mars l`offensive des Forces républicaines (FRCI) d`Alassane Ouattara, conclue à Abidjan par la chute de l`ex-président Laurent Gbagbo le 11 avril. Mais les combats qui ont permis aux FRCI de prendre Duékoué se sont accompagnés de massacres.

 

 Des ONG  font état d`un bilan pouvant aller jusqu`à 800 morts. Habité par des guéré, une ethnie considérée comme favorable à M. Gbagbo, le quartier du Carrefour a été transformé en brasier. Trois semaines plus tard, il reste dévasté. Maisons, écoles, "maquis" (bars-restaurants), une église même, au milieu de laquelle gît encore un squelette calciné: tout a brûlé.


Comme plus de 28.000 personnes, dont la quasi-totalité des résidents du quartier, Michel Diji, 51 ans, est réfugié à la mission catholique de Duékoué, sous la protection de Casques bleus marocains, dans des conditions sanitaires très précaires. Venu se rendre compte de l`état de son quartier, il reste sous le choc. "J`espère revenir vivre ici, mais je ne sais pas où dormir, tout est endommagé, brûlé, volé. Ma bicyclette, mes outils d`ouvrier, mes habits, il ne me reste rien".


A ses côtés, Ales, 14 ans, serre contre son coeur un calendrier à l`effigie du Christ, seul objet sauvé des décombres de sa maison. Son père a été tué le 28 mars, mais Michel et ses amis n`ont pu l`enterrer que samedi, n`ayant pas osé revenir plus tôt sur les lieux. Une tombe sommaire, dans la cour même de sa maison: quelques pelletées de terre et une couverture.


Des étuis de cartouches de fusil de chasse de calibre 12 jonchent le sol dans le quartier. D`après de nombreux témoins, les assaillants étaient des "dozos", des chasseurs traditionnels du nord, munis de fétiches et gris-gris de cuir et de coquillages, engagés aux côtés des FRCI.


  Les murs sont lézardés et les toits de tôle ondulée se sont effondrés. Il ne reste que quelques vêtements épars, les bribes d`un cahier d`écolier, une brochure roussie par le feu expliquant "comment s`assurer une vie de famille heureuse"... Quelques résidents ont provisoirement quitté la mission, certains balayent des débris, brûlent des feuilles mortes. D`autres font une nouvelle découverte macabre. "On a suivi les mouches et senti une odeur atroce": un corps a été jeté dans un puits.


  A l`entrée du quartier, un bulldozer a creusé une fosse commune où reposent 212 victimes, selon un officier marocain de la mission des Nations unies en Côte d`Ivoire (Onuci).   Des habitants restent portés disparus, enfuis dans la brousse. "Les dozos les chassent avec des chiens, comme du gibier", affirme Michel.


Le président Ouattara a annoncé qu`il allait demander à la Cour pénale internationale (CPI) "d`engager des investigations" sur les massacres de l`Ouest, y compris quand ses propres partisans sont accusés de les avoir commis. "On espère qu`il va enquêter, mais à condition que ce soit pour dire la vérité, pas pour nous culpabiliser encore plus", insiste Roland Adolphe Glason, 37 ans.


Car avant de voir leurs quartiers dévastés, les guéré sont accusés d`avoir formé des milices et terrorisé leurs voisins venus du nord, les dioula, tuant et brûlant leurs villages.


Aux différences ethniques, linguistiques, religieuses (les guéré sont chrétiens et les dioula majoritairement musulmans), s`ajoute une dimension sociale primordiale: les guéré possèdent les terres, que les dioula cultivent pour eux, ce qui occasionne depuis de longues années de nombreux conflits.


"Pendant les dix ans où Gbagbo a été au pouvoir, il n`y a pas eu de jour sans que les guéré ne tuent un dioula", assure Fofana, un employé de la mission catholique.

 

   
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